mardi 14 avril 2020

Jouer solo pendant (ou pas) le confinement : Mollwitz 1741 (TotsK)


Covid 19 oblige, c’est le confinement obligatoire dans nos riantes contrées. Et confinement oblige c’est jouer à la maison, et nos riantes contrées c’est petit espace, en intérieur oblige.
Alors pour le joueur que nous sommes, soit c’est jouer une partie par vidéoconférence avec un acolyte disposant de plus d’espace, de technologie de pointe et de matériel de jeu (figurines, décors), soit c’est le jeu en solo à la maison. Non, non, les animaux de compagnie ne sont pas des adversaires fiables et ces dames sont rarement passionnées par le jeu de figurines historiques.
Bref, une seule solution dans le cas présent, jouer solo (et non pas Han), dans un espace restreint avec ce que l’on a comme connaissances et matériel sous la main (figurines, décors, table…).
Plutôt qu’un simple compte rendu, voici tout le cheminement, de l’idée jusqu’à la partie jouée en passant par la mise en place de ce « mini » projet.

1 : Un peu de "Kultur" & de challenge
Comme il faut bien se motiver, nous avons posé, dans un malheureux excès, une APO (j’suis pas bégueule, vous pouvez également l’utiliser au masculin) sur le forum du club pour bien être de respecter nos délais et aller jusqu’au bout.
Quoi ? jeune padawan tu ne sais pas ce qu’es une APO (Auto Prise d’Otage) ? Vas donc vite te "ludo-cultiver" en lisant le Lexique du Psilète Fantôme, c’est justement la première explication et tu éviteras par la suite de la confondre avec l’OPA. Lexique ludique du Psilète fantôme.

On y est ? tout le monde est maintenant à niveau ? C’est – enfin – parti !  
APO jeu spécial confinement :  Mini Mollwitz 1741 en 15mm pour le 14 avril 2020.
Objectif, monter, puis jouer en solo le « mini » Mollwitz 1741, en faisant avec ce que j'aurai sous la main, le tout ensuite publié avec des photos sur le blog du Marius.
Par « mini » on entend, la plus petite reconstitution historique jouable en 15/18mm et en solo de la bataille de Mollwitz 1741 sur une table de jeu de 20'' x 15" (soit 50cm x 37,5cm).


Pour ceux qui ne passent pas régulièrement sur le forum F&S je suis désolé de leur « divulgacher » l’APO. Si vous lisez ces lignes c’est évidemment que le l’APO est atteint pour le Suisse ! Mais rassurez-vous, il vous est encore possible de ne pas aimer cet article et ainsi de la classer comme un échec pathétique.

2 : Un peu d’histoire
Seconde mise à niveau, le contexte, les protagonistes et comment ça s’est vaguement déroulé dans le passé, l’Histoire quoi.
Hé oui, on cause de la bataille de Mollwitz, c’est dans le titre de l'article pour les plus étourdis.
La première bataille rangée de Frédéric II, sa leçon de vie, son école de guerre comme il avait coutume de le dire à cause des nombreuses erreurs qu'il y fit.
un très bon site (en anglais) Obscure Battles.

3 : La mise en place et le matos, ou le supply comme disent certains de nos voisins
Pour commencer, le matériel et les conditions techniques incompressibles.
Le matériel et l'espace disponible pour rejouer la bataille de Mollwitz 1741
La règle de jeu : « Twilight of the Soldier Kings » Aucune partie jouée au conteur mais les mécanismes sont les même que pour « ToSK » la version Louis XIV qui nous avons testé au club il y a quelques semaine (voir l’article ici).
Bon point, le soclage n’est pas restrictif, la règle à le bon goût de mesurer les distances en BW (unité de base de déplacement). Pour nous ce sera donc 1BW = 1’’ (2,54cm pour les frenchis), histoire de pouvoir jouer sur notre tout petit  support (le pouf de l’appart’).
Les unités seront donc des plaquettes M&R (2’’x1’’) qui représenterons chacune environ 1 brigade.
La nappe de jeu, une belle « Cigar Box » pliée et repliée sur elle-même (petite hérésie, mais que voulez-vous, c’est le confinement).
Les décors, aïe, ça se corse là… on va devoir avoir un peu d’imagination avec :
-          - une rivière, ouf, même si à cette échelle elle est évidement bien trop large
-          - quelques mousses qui feront office de bois,
-          - des tonneaux et caissons, qui serviront pour indiquer les habitations/villages,
-          - un étang… mais qui ne peut pas servir, exit donc cet étang à la taille d’un petit lac pour notre échelle.
- Malheureusement pas de routes sous la main, mais comme celles-ci n’ont pas eu d’incidence sur la partie on va discrètement s’en passer.

4 : Le choix de la bataille & les problématiques de jeu en solo (oui, c’est ma toute première partie solo alors un peu d’indulgence Jedi Solo).
Sans véritables mécanismes de jeu dédiés à la pratique solo et pour tout de même avoir un léger challenge, le plus évident semble de choisir une bataille avec un camp très offensif (vous, le joueur) et un camp plutôt statique (votre ami imaginaire) bien ancré dans ses positions défensives. Et comme par le plus grand des hasards, Mollwitz 1741, correspond suffisamment à cette configuration avec un classique Prussien attaque vs Autrichien défense. Pas belle la vie de confinement ? Plus prosaïquement, Mollowitz est le  scénario d’introduction de TosK.
Mais c’est aussi une très bonne bataille pour tester de nouvelles règles de jeu, avec :
- son terrain presque entièrement dégagé et plat,
- des conditions de victoire par une rupture morale de l’ennemi (on comptabilise les pertes),
- ses deux camps aux effectifs similaires (13 & 14 unités)
- des forces et faiblesses inversées. Les prussiens ont une bonne infanterie, pour une mauvaise cavalerie mais avec une réserve d’artillerie alors que les autrichiens ont une faible infanterie mais une bonne cavalerie le tout sans réserve artillerie).


Pour aller plus loin, si le sujet de modélisation de parties en solo vous intéresse et que vous parvenez à décrypter (vocabulaire plutôt accessible) la littérature anglo-saxonne il existe un petit livre sur le sujet :
Partizan press guide to solo wargaming, a revised guide by stuart Asquish

Si vous désirez jouer solo, les systèmes à activation par cartes, tels que "Field of Battle, 2nd edition", sont particulièrement adaptés pour rejouer de grandes batailles. Et si vous êtes plus attiré par le jeu d'escarmouche je ne peux que vous conseiller les déclinaisons de "Chain Reaction" chez 2HW (CR est la version gratuite de découverte des méchanismes pour vous faire une idée) !

4.1 Découpage de la bataille en phases :
La lecture des faits marquants de la bataille permet de découper arbitrairement l'engagement en plusieurs étapes clés (hé oui,c'est pas pour rien qu'on vous a conseillé de lire le résumé de la bataille en début d'article) :

Mollwitz 1741, la manœuvre de la bataille

- avance des prussiens vers l'ennemi,
- déploiement de l'artillerie prussienne de réserve pour bombarder l'aile gauche de cavalerie autrichienne,
- réaction de l 'ailes gauche de cavalerie autrichienne par une manœuvre de débordement du flanc droit prussien,
- mise en déroutes de la cavalerie de l'aile droite des prussiens,
- évacuation forcée de Frédéric II du champ de bataille (le roi ne peut pas se permettre d'être capturé),
- prise du commandement prussien par Schwerin,
- échec de la cavalerie autrichienne à détruire l'infanterie prussienne du centre,
- avance de l'infanterie prussienne vers le centre autrichien qui est mis en déroute
- victoire prussienne par rupture de l'armée autrichienne.



4.2 : pilotage solo et friction de la guerre :
Pour ne pas rendre le déroulement ludique trop prévisible, nous avons ajouté des tests d'activation (D6) qui correspondent à des comportements particuliers du commandement lors de situations clés données.
Pour Mollwitz, si certaines conditions sont réunies, les généraux autrichiens testeront lors de leur activation pour savoir quel comportement ils vont tenir :
- déclenchent une avance générale de leur aile
- envoie de renforts à une aile attaquée...

Exemple d'activation d'aile : L’aile gauche de cavalerie autrichienne (Romer), dont la qualité est bien supérieure à celle des prussiens (voir le déroulé historique de la bataille), sera potentiellement plus agressive avec l’approche des prussiens et permettra ainsi d'éviter (ou non) que son infanterie se fasse massacrer sur place :
Ennemi prussien  visible dans les 12 BW (3 BW pour l'infanterie du centre et la cavalerie de l'aile droite)  sur 1D6 (+1 si bombardé) :
1, 2 : les unités restent sur place ce tour là
3, 4, 5 : manœuvre de débordement du flanc prussien
6 : attaque directe sur la menace.

Exemple de comportement au combat :
L'infanterie autrichienne, après au moins un échange de tir teste son comportement :
sur 1D6 (- 1 si soutien arrière ; -1 si une ou deux pertes de moral)
1 : désengagement (roulement avec la seconde ligne si possible)
2, 3, 4 : continue l'échange de feu
5-6 : assaut.

Prendre la tête des prussiens :
Pour corser le tout j'ai pris le rôle de von Schwerin. En début de partie le plan du "jeune" Fritz (pour faire simple avancer tout droit vers l'ennemi avec son aile droite en pointe et je ne peux rien y changer). Schwerin reste alors à 3 BW du roi. Le roi doit quitter la bataille pour que je puisse prendre le commandement avec Schwerin : 
- Si l'aile droite  prussienne a subie au moins 4 points de fatigues/pertes que l'aile gauche autrichienne, alors le roi (fritz le pas encore vieux) est enfin évacué. 
- Si une unité du centre ou du flanc gauche est éliminée, Schwerin peut librement se déplacer pour aller soutenir et activer les troupes du centre ou flanc gauche.

5 Ordres de Bataille :

 Armée prussienne : 13 unités & 2 généraux
Général en chef : Frederic II de Prusse ; Commandant en second : Schwerin

Fantassin prussien : La star du jour !
Aile gauche de cavalerie : (3 unités)
1 x Cuirassiers ;
1 x Dragons ;
1 x Hussards (faibles effectifs).

Centre : (7 unités)
1 x infanterie d’élite (garde & grenadiers) ;
5 x Infanterie de ligne ;
1 x artillerie

Aile droite : (3 unités)
1 x Cuirassiers ;
1 x Dragons ;
1 x grenadiers (faibles effectifs)








Armée autrichienne : 14 unités & 2 généraux :
Général en chef : Neipperg (Aile droite & centre) ; Römer (aile gauche)

Cuirassier autrichien : La - presque - star du jour...

Aile droite : (4 unités) 
1 x Cuirassiers ;
1 x Cuirassiers (faibles effectifs) ;
1 x Dragons ;
1 x Dragons (faibles effectifs)
Centre : (5 unités) :
5 x Infanteries (faibles effectifs)
Aile gauche & Avant-garde : Römer (5 unités) :
Avant-garde :
1 x Hussards (faibles effectifs)
Aile gauche :
3 x Cuirassiers ;
1 x Dragons







5 bis : Le terrain de jeu :  

Plan de jeu pour la partie avec l'échelle en BW (important ça)

 Et maintenant, que la partie commence !

6 : De la partie en solo


Déploiement et axes de progressions des prussiens
Revue du centre et de l'aile gauche des prussiens
Aile droite prussienne et ses chefs qui doutent. Y'a quoi derrière nous ?
Autrichiens confiants : On vous attend les nouveaux !
Römer et sa cavalerie de choc veulent en découdre

Aile droite autrichienne en attente

Centre autrichien tout juste déployé
L'avant garde légère autrichienne provoque les prussiens
Avance aile droite prussienne, réaction immédiate de Römer
Römer entraine ses cavaliers vers les prussiens
Difficile passage du ruisseau pour l'aile gauche prussienne excentrée sur son flanc
Aile droite, Premier contact ! charge prussienne
Avance lente prussienne au centre et à gauche (passage en ligne de combat trop loin de l'ennemi, merci Fritz II)
Batterie déployée, l'aile droite prussienne tient le choc
A gauche, la cavalerie autrichienne s'active et percute les prussiens sans soutien (passage de ruisseau difficile)
Les hussards prussiens sont piétinés et les dragons repoussés
Situation de crise, von Schewrin peut partir sauver le centre prussien et "fonce" à travers le bois
Les grenadiers prussiens arrivent enfin à distribuer une volée aux légers autrichiens trop entreprenants
A gauche, résistance héroïque des dragons prussiens
Mais l'aile droite prussienne se fissure malgré la présence du roi...
... Fritz, qui doit fuir et abandonner ses troupes !
La fuite du roi, mais ce qui permet à Schwerin de prendre le commandement de l'armée... en crise.
Schwerin est partout (au centre) et redonne confiance aux vaillants prussiens
Le flanc du centre prussien est enfin gardé, mais la bataille reste indécise, cuirassiers veulent détruire les restes de dragons prussiens...
... dragons qui tiennent malgré les tests de rupture d'aile !
Tout se complique, qui va finalement l'emporter ?
Dernière charge sur les restes de l'aile droite prussienne
Percée sur l'aile droite qui va dérouter et laisser seule l'artillerie prussienne

... Römer va-t-il revenir à temps ou bien Schwerin percera avant ?

L'infanterie autrichienne trop faible craque, Neipperg est emporté dans la mort par le tir prussien et entraîne la rupture du moral de l'armée autrichienne
Les armées sont sur les genoux mais l'infanterie prussienne a de nouveau apporté la victoire sur le fil
Photo finale, victoire des prussiens et le pouce de validation des règles (ou, la table de jeu était vraiment petites (figurines au 15mm)

Conclusion :
Bien que le jeu solo ne soit pas ma tasse de thé, la partie fut tout de même palpitante et, de manière surprenante, proche du déroulement historique. Les autrichiens pouvaient aussi bien gagner la partie mais les tests de rupture d'armée ont tenus coté prussien grâce à un von Schwerin de premier ordre.

La règle TotSK tourne bien, voici quelques remarques à vif :

- Pour les pertes (unités éliminées), 7 unités autrichiennes (dont 5 petites) et le général en chef et coté prussien, 5 unités
- partie en 10 tours de jeu pour arriver à la rupture au moral de l'armée autrichienne.
- Le déploiement précoce en ligne de l'infanterie prussienne ralenti son avance surtout avec la présence de cavaliers légers autrichiens sur leur front (pas de mouvement stratégique possible alors).
- A cette échelle réduite, c'est un peu difficile car mes socles sont alors un peu trop profonds et les généraux trop imposants (impossible de les placer dans les espaces entre 2 vagues d'infanterie pour garder la distance de support). Mais comme normalement nous jouons avec 2 socles par unité et non un ce n'est pas dramatique (l'Unité de Distance passe alors de 1" à 2").
-Les différentes caractéristiques des troupes ne sont pas trop lourdes à gérer pendant la partie (elle sont souvent les mêmes pour les troupes d'une nation) et apportent des comportements différents (le feu prussien peut-être terrible).
- J'ai joué la règle de Qualité variable des troupes, c'est un peu de gestion en plus mais donne un coté stressant lors des assauts (je testais les valeurs au moment du premier test de moral).



Donc APO tout juste dans les temps, ouf !




jeudi 2 avril 2020

Lindenau 1813, les protagonistes suite & fin (Black-Powder), LEL 2018, part.2

Voici la suite & fin de l'article précédent (compte rendu de la bataille de Lindenau 1813), et ce coup-ci, la masse des renforts alliées va s'exprimer. On y replonge directement avec l'attaque portée par le flanc droit des Alliées !
Attention, pour rappel, historiquement il n'y a pas eu de brigade de mousquetaires russes à la bataille de Lindenau (mais qui le savait/s'en souvient vraiment hein ?). Pour la partie, nous avons volontairement remplacé la colonne de droite autrichienne par une colonne de russes afin de laisser à notre joueur russe le plaisir d’aligner ses belles troupes, d'alléger notre général en chef autrichien qui avait apporté TOUS les autrichiens (figurines en plomb) et d'ajouter un peu de couleur verte supplémentaire sur la table de jeu.
C'est ça aussi le jeu d'histoire, permettre à tous de participer à ce types de beaux projets collectifs.




 
 











 


What else ?