Voici en quelques chiffres, le WE de reconstitution de la bataille de Mohilev 1812 qui a eu lieu chez F&S les 20 & 21 février 2016 & (partie 2) :
13 joueurs, un arbitre, 11 tables, une règle 1er Empire tactique : Les 3 couleurs (L3C).
Et au milieu de tout ce monde votre humble serviteur dans la peau du Colonel russe Liebardt.
Vue générale de la table principale, à gauche les généraux russes, à droite les vils français |
Mais plutôt que de suivre la bataille dans sa globalité nous allons plutôt suivre les événements comme les a vécu et rapporté dans ses Mémoires le Colonel Liebardt, jeune officier russe en charge de l'extrémité de l'aile droite.
Extrait
des notes à l'usage des Mémoires militaires du Général Liebardt Brigadier de la 12ème
Division du Corps d'Armée du Général Rayevski concernant les
événements survenus lors la bataille de Mohilev en 1812.
L'affaire commença pour nous par un
matin chaud et poussiéreux de juillet 1812 lorsque le Prince de
Bagration donna l'ordre au Général Rayevski, commandant du 7ème
Corps d'Armée, de reprendre le contrôle du village de Fatova aux
mains des français. Le dit village de Fatova se trouvait
judicieusement situé au débouché de la route traversant la grande
forêt menant à Mohilev et seul chemin praticable par notre
artillerie et nos bagages.
Moi même commandant la première
Brigade de la 12ème division Paskiewitch, je fus finalement affecté
directement sous les ordres de notre chef de Corps Rayevski à la
couverture du flanc droit de notre réserve d'artillerie composée de
72 bouches à feu, dont un grand nombre de pièces de 12£ qui
faisaient en ce temps la renommée de notre armée.
La seconde tâche qui m'incombait consistait à reconnaître la forêt sur notre flanc droit
et d'en chasser, si possible, tout français embusqué afin de ne pas
voir l'armée contournée et prise en tenaille ceci au risque de
laisser notre grande batterie et nos bagages en fâcheuse posture.
Pour ce faire, le Général Rayevski
m'adjoignit, en complément de ma Brigade (régiments de
mousquetaires Ladoga & Poltova chacun à 2 bataillons), un
bataillon du 6ème Jaëger et 2 escadrons de ces terribles Cosaques
du Don.
Mais comme nous allons le constater par
la suite, le régiment de Poltova, s'égarant dans la forêt lors de
sa marche vers le champ de bataille, se déporta sur le flanc gauche
de la grande batterie et passa de facto sous le contrôle des
généraux Kolubakin et Rayevski me privant ainsi de 2 solides
bataillons sur le flanc droit exposé.
La première heure se déroula sans
contre temps majeur, les français débusqués reculant face à nos
manœuvres de débordement menés à l'extrémité du dispositif par
nos fier cosaques et finir même par nous céder la rive droite du
ruisseau ainsi que toute la ligne de crête surplombant Fatova au
Sud.
Pendant ce temps nous parvenait, depuis
la grande forêt au centre du dispositif du Prince Bagration, les
bruits des nombreux échanges de coups de feu. Pour certains, la bataille venait déjà de s'engager et la journée risquait d'être longue.
La grande batterie de droite,
promptement déployée et protégée sur son flanc par notre brigade,
fut la première à entrer en action. Ses canons crachaient un déluge
de plomb sur les troupes françaises retranchées dans Fatova et
permettait ainsi à la grande batterie de gauche, embourbée dans ses
lentes manœuvres, de se déployer sans risque de contre attaque
ennemie malgré le feu d'interdiction d'une batterie française
postée dans l'axe de la route principale à Fatova.
Alors que la grande batterie de gauche,
sous la couverture des bataillons de la Division Kolubakin devra
attendre encore une heure avant de pouvoir ajouter sa puissance de
feu à celle de notre aile.
De notre coté, la première étape de notre mission de
protection et de « flancage » était donc déjà atteinte
à 10h30.
Les français reculaient en nous
laissant maître de la rivière et par conséquent de son passage !
Pourtant, à la pointe centrale de l'attaque de
notre Corps d'armée la résistance français continuait à harceler
nos vaillants soldats qui réparaient le pont de Fatova rendant leur
tâche difficile. A cela s'ajoutait l'impatience et l'inquiétude
croissante de notre réserve d'infanterie impuissante car bloquée
dans le vallon en face de Fatova.
Embrassant d'un coup d’œil la
situation et anticipant les ordres à venir de mon Chef de Corps
Rayevski, j'en profitais pour faire descendre du promontoire mon
valeureux 1er bataillon de Mousquetaires de Ladoga afin qu'il puisse
se déployer sur la rive française. Ainsi fait, je pouvais
facilement couvrir la périlleuse traversée du vif cours d'eau par
nos hussards.
En effet, un premier assaut de Jaëger
depuis le bois du vallon sur le moulin de Fatova se solda par un
repli en bon ordre mais exposait nos hussards trop avancés, acculés
et en mauvaise posture, à une contre attaque française.
En libérait l'espace pour que la
cavalerie puisse manœuvrer je fis immédiatement occuper avec le
second bataillon de Ladoga la position de « flancage » de
la Grande Batterie rassurant par cette avance nos artilleurs.
Pendant ce temps, le 1er bataillon du
6ème Jaëger, affecté à ma brigade, traversait lui aussi la
rivière à la suite de nos cosaques toujours en pointe.
La redoutable puissance de feu de nos 2
grandes batteries combinées en tirs croisés et judicieusement
dirigées par le Général Rayevski obligea même le Général
Compans à s'éloigner de la ligne de front pour s'abriter dans les
dernières maisons de Fatova perdant ainsi, par sa couardise toute
française, le contact visuel avec l'évolution de la situation.
Voyant cette fuite de l'état-major
ennemi depuis mon promontoire excentré, alors que mon chef de corps,
de par la fumée des batteries et sa position trop centrale ne
pouvait pas connaître cet événement, je décidais de pousser notre
avantage en lançant mon valeureux 1er mousquetaire de Ladoga pour
enlever le moulin encore tenu par des voltigeurs français. Ce
faisant, l'ennemi ne pourrait plus contester la réparation du pont
qui bloquait la traversée de la digue par nos troupes.
La manœuvre était risquée car il
fallait l’exécuter promptement et ne pas échouer, mais rien
n'arrête un bataillon de Mousquetaires russes lorsqu'il est animé
par la plus grande des ferveurs et le 1er Ladoga chassa sans pertes
les derniers français hors du moulin et des maisons mitoyennes. Il
fut à notre grande satisfaction le premier à investir Fatova sous
les yeux des autres régiments et artilleurs en liesse !
Pour autant je n'en oubliais pas ma
mission première de couverture de la grande batterie et le contrôle
du bois Sud.
Mes cosaques et Jaëgers ayant sécurisé
la rive gauche de la rivière je fit déployer le second bataillon du
régiment des mousquetaires de Ladoga en lisière de forêt sur la
rive française toute en surveillant la poursuite.
Ce faisant, il ne me restait plus aucun
bataillon directement ancré à la droite de la grande batterie.
C'est à ce moment là que revint mon aide de camps en m'annonçant
que mon second régiment, celui des mousquetaires de Poltova, avait
emboîté le pas aux troupes qui combattaient dans la grande forêt
sur le flanc gauche de la grande batterie !
Malgré le contrôle du flanc droit de
l'armée, nous n'avions donc plus de réserve pour protéger
directement nos puissantes pièces de 12£ dans le cas d'une contre
attaque désespérée des français à travers les bois !
Submergé mais pas battu, l'intrépide
général français Compans lança, dans une dernière attaque
désespérée, sur mes troupes dans les bois son régiment à
l'extrémité de son flanc.
Gardant notre sang froid, Je laissais
le glorieux 1er bataillon de Legoda reprendre la marche avec le reste
du Corps de Rayevski, ces braves par leur action décisive de la
prise du moulin de Fatova l'avaient bien mérité.
Malgré tout, conscient de la
supériorité des français dans les combats forestiers ou en terrain
accidenté et me tenant à mes ordres du matin, je fis donc faire
demi tour à mon second bataillon de mousquetaires et au 6ème Jaëger
afin de sécuriser définitivement le front de notre armée derrière
la rivière et en haut de la colline à droite des batteries
d'artillerie. Bien m'en pris car le Général Rayevski n'hésita pas
à m'envoyer un aide de camp pour me rappeler à mon devoir et ma
mission première. Mais conscient de la faiblesse relative de notre
flanc il détacha tout de même à mon service 2 escadrons de
hussards empêchant toute tentative de fuite de l'ennemi.
Nous étions donc suffisamment nombreux
pour fixer et attirer ces 2 bataillons français enfermés dans les
bois et toujours encadrés par nos cosaques les empêchant de
rejoindre le gros de la bataille au centre du dispositif. La
reddition imminente et sans conditions de ce bon millier de vétérans
français ne faisait maintenant plus aucun doute avec l'arrivée
depuis Salavenka du général de division Paskiewitch, sonnant pour
eux le glas d'un acte déshonorant et une fin précoce de la guerre.
C'est sur ce second fait d'armes
atteint par de savantes manœuvres que se terminait glorieusement
pour nous la bataille de Mohilev.
Le plus remarquable, lors de cette
brillante journée, c'est que nous avions aucune perte humaine à
déplorer parmi les troupes sous notre commandement.
Seuls quelques blessés étaiement à
signaler dont :
- 1 blessé léger au doigt par écharde (en ouvrant la porte du moulin de Fatova) dans le 1er bataillon de Ladoga
- 3 rhumes dans le second bataillon de Ladoga lors des traversées incessantes de la rivière
Tout cela fut possible grâce à la
clarté et la rigueur qu’insufflaient les ordres de notre Chef de
Corps aux troupes sous sa direction ainsi que la confiance donnée
aux jeunes officiers désirant briller sous ses ordres.
Ces valeureux faits d'armes sont à
remettre en perspective avec la bataille complète pendant laquelle
il y eu de nombreux combats bien plus sanglants, en témoigne les
pertes :
Armée russe du Prince de Bagration
:
Total pertes : 1495 hommes : 1197 fantassins et 298 cavaliers
Total pertes : 1495 hommes : 1197 fantassins et 298 cavaliers
Ier Corps d'Armée français du
Maréchal Davout :
Total pertes :1917 hommes (1224 fantassins et 693 cavaliers) et 9 pièces d'artillerie
Total pertes :1917 hommes (1224 fantassins et 693 cavaliers) et 9 pièces d'artillerie